Jennifer Teege, auteur de Amon, mon grand-pĂšre m'aurait tuĂ©e», paru chez Plon. â OLIVER HARDT / AFP La douleur des racines. A 38 ans, la vie de Jennifer Teege bascule lorsquâelle dĂ©couvre en feuilletant un livre quâelle est la petite-fille du boucher d'Hitler», Amon Göth. Commandant du camp de concentration de Plaszo, il est responsable de la mort de juifs, quâil dĂ©pouillait avant de tuer. Dans Amon, mon grand-pĂšre m'aurait tuĂ©e, qui vient de paraĂźtre*, elle raconte comment elle a pu se reconstruire aprĂšs ce passĂ© familial qui pesait dĂ©jĂ dans son existence, bien avant quâelle n'en prenne connaissance. Car Jennifer Teege a Ă©tĂ© confiĂ©e par sa mĂšre Ă un orphelinat catholique Ă tout juste quatre semaines et adoptĂ©e Ă l'Ăąge de 7 ans. Sa mĂšre tentant par ce biais de la dĂ©lester du fardeau de lâhistoire familiale» en lui permettant de changer de nom. Durant toute ma vie, entre dĂ©primes et dĂ©pressions, jâai toujours eu la sensation que quelque chose ne tournait pas rond», confie-t-elle. Et hasard ou signe du destin, Jennifer Teege a vĂ©cu cinq ans en poids de la descendanceSon tĂ©moignage est d'autant plus bouleversant que Jennifer est mĂ©tisse, sa mĂšre Ă©tant la fille d'Amon Göth et son pĂšre Ă©tant nigĂ©rian. Une filiation qui aurait rebutĂ© son grand-pĂšre Il mâaurait vue comme une salissure, une bĂątarde, Ă ses yeux jâaurais sali lâhonneur de la famille. Il ne fait aucun doute que mon grand-pĂšre mâaurait tuĂ©e», dĂ©clare-t-elle. Scrutant sa ressemblance avec ce grand-pĂšre honni dans le miroir, Jennifer Teege est hantĂ©e par son souvenir. Un mort a du pouvoir sur les vivants», rĂ©pĂšte-t-elle, craignant que ces liens du sang ne la rendent folle. Mais si je dĂ©cide de nâĂȘtre plus que la petite-fille dâun criminel, si je cherche Ă expier ses fautes par ma souffrance, cela nâaidera personne, ni les victimes ni moi», se travail de mĂ©moirePour comprendre son histoire familiale, Jennifer Teege a menĂ© lâenquĂȘte sur ce grand-pĂšre criminel nazi. Elle dĂ©couvre avec effroi les exactions de cet homme qui Ă©prouvait du plaisir Ă tuer», reconnaĂźt-elle. Dâailleurs, un survivant du camp de Plaszow disait de lui Quand on regardait Göth, câĂ©tait la mort quâon voyait». Jennifer Teege ne sâĂ©pargne aucune image, aucun tĂ©moignage. Elle revoit La liste de Schindler, le film de Steven Spielberg, dans lequel on voit Amon Göth tirer sur des prisonniers au hasard du balcon de sa villa. Dans le monde machiste des nazis, tuer Ă©tait devenu un jeu, une sorte de compĂ©tition, un sport», analyse-elle avec Teege dĂ©cide mĂȘme de visiter la maison Amon Göth Ă Cracovie Je veux voir lâendroit oĂč mon grand-pĂšre a tuĂ©. Jâai besoin de mâapprocher au plus prĂšs de lui pour pouvoir ensuite mâen Ă©loigner», confie-t-elle. Elle dĂ©crit aussi les derniers jours de ce bourreau nazi, pendu en 1946. Mon grand-pĂšre nâa rien regrettĂ© sinon il nâaurait pas esquissĂ© le salut hitlĂ©rien sur la potence», travail de mĂ©moire qui lui permet de renaĂźtre une seconde fois A 40 ans Ă peine, je repars Ă zĂ©ro», conclut-elle. *Amon, mon grand-pĂšre m'aurait tuĂ©e, Jennifer Teege, Plon, 18,90 âŹ.
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